Course à pied

Ces types hirsutes sortis du néant

Le 8 décembre 2004

J’ai décidé de terminer cette année faste en courses par cette fameuse doyenne des ultras, la Saintélyon, 68 kms de nuit, départ à minuit de Saint-Etienne pour rejoindre Gerland à Lyon. Après six années à courir le minimum pour cause d’activité professionnelle débordante, j’avais depuis le mois de mars fait le semi de Bourg-en-Bresse, le marathon de Lyon, les 6 heures de Saint-Bonnet-de-Mure en équipe puis Vonnas-Chatillon pour enquiller le 2ème marathon de l’année à Lausanne, le tout en me rapprochant de mes meilleurs chronos d’antan.

Des sensations enfin retrouvées qui m’ont fortement incité à recourir cette Saintélyon que j’avais découvert en 1990 avec cette neige qui avait pris la région par surprise, seuls les 100 premiers étaient passés, puis faite intégralement en 1991. Très froid, un ciel étoilé splendide, frontale explosée suite à une grosse gamelle. 5h50 au final et de très bons souvenirs…

4 décembre 2004, treize ans plus tard. Comment le Vétéran 1 bien tassé allait-il encaisser la chose ? Quatre bornes de plus, alors tout de même une certaine appréhension et un leitmotiv : l’humilité. Objectif 6h15-6h45.

Minuit le 5 décembre.
Sur la ligne de départ, les copains du club, Bruno, Frédéric, Jean-Philippe, Anne et son père Gérard, vainqueur de l’épreuve dans les années 80, Pix, Jean-Luc et Christophe. Pan, c’est parti. Il me semble que la meute est partie sur des bases bien trop rapides.

Je me prépare au pire, le pire n’étant jamais sûr, on verra bien.

Il me faut bien une dizaine de kms jusqu’à Sorbiers pour être chaud et trouver de bonnes sensations. Je rattrape Bruno qui avait pris la poudre d’escampette. Les bosses sont déjà redoutablement pentues. 1h25 à Saint-Christo, tout va bien. Je savoure ces précieux moments en prenant le temps de me retourner pour contempler en contre bas le spectacle lumineux des frontales.

Je rattrape Marie dont je reconnais la foulée si caractéristique. Elle a pris le relais d’Isabelle à Saint-Christo. Nous arrivons de concert à Saint-Catherine en 2h42. Pil poil dans les temps. Saint-Catherine, commune encaissée, blottie entre deux montagnes. Une arrivée sur un chemin très cassant, mais il y aura pire. Une minute de marche pour avaler un gel puis direction Soucieu, dans 16 km. Dit comme ça, ce n’est pas beaucoup. Sans doute, la partie la plus dure.

Toutes les difficultés concentrées en un secteur. Le package. Les sensations sont toujours bonnes mais je maudis les descentes caillouteuses. La fatigue arrive. Les pieds se dérobent et n’en font qu’à leur tête. Gamelle, c’est vraiment dangereux. Devant moi, un coureur se vautre. Puis à nouveau le bitume que je ne peux que vénérer à ce moment là.

Au loin, plus haut, des lumières, sans doute le ravito de Saint-Genou. Oui c’est bien ça. Placé sous un chapiteau. Drôle d’atmosphère, grave et silencieuse dégagée par les quelques coureurs se désaltérant furtivement. Je pense aux bénévoles. Cela doit être quelque chose d’officier dans un tel contexte. Ces types hirsutes sortis du néant…

Saint-Genou- Soucieu. Le brouillard à couper au couteau. Une grande ligne droite interminable. 4 heures de course, J’en suis au marathon. Je m’efforce de ne pas regarder ma montre et signe qui ne trompe pas, je me retourne : je suis en train de craquer mentalement. Physiquement, je suis ok. Je sais que Fabienne m’attend avec Pierrot et Olivier nos suiveurs de la nuit à Soucieu. Soucieu 4h25, toujours dans les temps. Fred est passé il y a un quart d’heure, Jean-Philippe 5 minutes.

Fabienne est là pour me donner des vêtements secs au cas où. Là je m’effondre et craque complètement. La portion Saint Genou Soucieu a eu raison de moi. Une minute et un gel plus tard, voilà Anne et Gérard qui passent. Pierrot me dit « allez, vas-y » suis les. Je me relève aussitôt et réussi à prendre leurs roues.

Et là, miracle, ça revient. Nous flirtons avec les 13 km à l’heure pendant 8 km. Gérard est là pour servir de père pilote à Anne, le train est soutenu. Ca dépote. Anne avale la 3ème féminine. Je ne peux suivre le rythme et les regarde partir. Ils vont terminer en 6h37.

Derniers ravito au 57ème, je me fais violence pour repartir, la côte de Saint-Foy, en marchant. Tiens ! Pas désagréable de marcher ! Puis le panneau « Lyon », objet tellement anodin mais oh combien salvateur. Calmos, il reste 7 bornes.

Je savoure la descente sur Perrache tout en me préparant au final, toujours interminable par définition. Les berges de la Saône, celles du Rhône, je bénis ce bénévole qui m’annonce que l’arrivée est tout au bout, vers la boule lumineuse. 6h47. Mission accomplie.

Retrouvailles avec les copains, collation et douche… froide…. Fred 6h28, Anne et Gérard 6h37, Jean-Philippe 6h58, Christophe 7h30, Bruno 7h59, Jean-Luc 9h00, Pix 9h19 qui en a bavé plus que les autres.

Trois jours plus tard, plutôt en forme, remarquablement apaisé…. la nuit porte conseil.

Manu, le 8 décembre 2004

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