A propos

Emmanuel Chaume n’a véritablement découvert et expérimenté le pays qui lui vaut sa nationalité (la France) qu’à 20 ans. Non sans mal, les mutations successives de son père, directeur de centres culturels français à l’étranger, en ayant d’abord fait un apatride avant d’en faire un citoyen du monde.

Fils de globe-trotters intrépides, pour Manu l’apprentissage de la vie fut tout sauf ordinaire. Quand la situation privilégiée de sa famille aurait pu le mettre à l’abri, y compris dans les pays instables, le danger s’invitait pour corser le quotidien, parfois jusqu’à l’effroi. Et quand, au contraire, leur statut d’occidentaux les fragilisait, lui et les siens, le goût de l’aventure l’emportait toujours, parfois jusqu’aux limites du raisonnable.

Plus tard, l’adolescence a apporté son propre chaos et ajouté ses propres nébulosités à celles que Manu endossait depuis l’enfance. Elle a fait apparaître des dilemmes qu’il aurait voulu continuer d’ignorer. Par exemple, que peut, que doit devenir un garçon au « pedigree » familial aussi écrasant (une grand-mère écrivain, un grand-père peintre et poète, une mère peintre et un père à l’érudition sans borne) ? Comment doit-il se définir, lui le blanc qui, pendant vingt ans, s’est vécu tour à tour vietnamien, japonais, éthiopien, égyptien ? Comment se construire entre les murs d’une minuscule chambre d’une Cité U grise et typiquement française (donc étrangère) sans se sentir prisonnier, abandonné ? Que faire de ces liens familiaux qui n’ont cessé de se distendre et dont il ne sait s’ils se resserreront un jour ?

S’il n’est pas parvenu à répondre à toutes ces questions, Manu le hors sol a réussi à devenir. Devenir un homme, un mari et un père, passionné de sport extrême et de musique. Ils sont les socles et les ancres de sa vie d’adulte. Grâce à eux, il s’est hissé au-dessus de ses tourments.

Sur ce passé qui fut à la fois épopée, tragédie et vaudeville, Manu peut enfin se retourner ; il est temps de poser la charge à terre. Après tout, elle lui doit aussi ce qu’il est : un marathonien, un acteur de l’humain, un homme de tolérance et d’ouverture, un être capable de s’émerveiller de la simplicité mais qu’hérissent les petitesses. En résumé, un spécimen dont la norme de vie fut et reste loin, bien loin de celle du commun des Français.

Cécile Fraboul le 22 avril 2020